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Mame-Diarra Niang - Remember to Forget
Au milieu du 3e arrondissement de Paris, la fondation Henrie Cartier-Bresson a exposé fn 2024 l’artiste-photographe Mame-Diarra Niang. C’est d’abord la vitirine de la fondation qui m’a donné envie d’y pénetrer : une silouette humaine verte et floue a attiré mon attention. Impossible de distinguer s’il s’agit d’une peinture, d’une photo, d’une image générée à l’ordinateur. C’est captivant. C'est beau.
Dans sa série Æther (2024), l’artiste française explore l’identité, et la notion de représentation. Comment ? En renversant les conditions du traditionnel portrait. En effet, l’imagerie et les conventions auxquelles nous sommes habitués se sont construites progressivement. Dans l’imaginaire collectif, un portrait respecte certains codes : un sujet avec une posture solennelle, dressée, parfois en noir et blanc, offrant un grain de peau unique aux traits du visage, les plis de ses vêtements. La photo Harcour par excellence.
Niang ne respecte aucune de ces conventions. Avec désinvolture et imagination, elle défie ce qui s’est peu à peu imposé, à l’image des photographes du mouvement “Pictures” de la scène New Yorkaise des 1970s.

Morphologie du rêve #4, de la série Sama Guent Guii © Mame-Diarra Niang.
Dans son objectif, le visage est illisible. Aucune pose ne se ressemble. Les couleurs varient d’un fluo à un autre, mettant à mal l’ennui du portrait que l’on connait. Cet affranchissement a un autre effet, plus fort encore : aucun contact n’est possible avec le sujet de la photo, aucune identité ne peut lui être conferé puisqu’on ne distingue aucun détail. Le spectateur n’a aucune piste quant à l’âge, le sexe, la condition sociale, ou encore la personnalité qui pourrait se dégager de la personne qui pose devant Niang. La seule chose qui se remarque, même flou, est la couleur de peau, ici noire. Rien à part cet élément ne peut se distinguer, alors même qu’un portrait est censé être la présentation d’une personne. Car le portrait est aussi une affaire d’interprétation, puisque c'est une représentation. Ici, Niang supprime l’interprétation et met le spectateur face à ses propres désirs de voyeurs.Pourquoi voyeur ? Car la volonté de percer l’identité d’une personne à son insu revient à lui arracher quelque chose sans en avoir la permission. L’oeuvre est observée, epiée, sans que le sujet de celle-ci ne puisse regarder en retour. Les photographies de Niang reflètent ainsi cette posture de domination qu’a le spectateur sur le sujet, et met ceci en évidence en empêchant les visiteurs de conférer une identité au sujet de son portrait. Ceci est d’autant plus pertinent que les personnes noires ont systématiquement été la cible de discriminations, dont le point de départ est leur essentialisation - soit la réduction d’un groupe d’individus à une seule dimension. Mais chez Niang, la couleur de peau se fond dans un flou maîtrisé qui brouille toutes les pistes.

Morphologie du rêve #6, de la série Sama Guent Guii © Mame-Diarra Niang.
Le nom de l’exposition, Æther, rappelle la partie la plus pure du ciel dans la mythologie greque. Celle où aucune notion ne précède l’identité. C’est donc avec cette élévation, ou ce vertige, que Niang nous invite dans sa première exposition en solo. C’est ainsi l’occasion d’apprécier une technique photographique troublante, et de renverser nos perceptions traditionelles sur ce que nous attendons d’un portrait. Son oeuvre est accompagnée d’un très beau texte de l’artiste, et d’une première salle qui ressemble à une mise en bouche des expérimentations numériques de Niang. Si vous n'avez pas pu aller la voir à la Fondation Bresson, allez jeter un coup d'oeil à son instagram : @mame.diarra.niang.
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